Vincenzo Latronico ‘Les Perfections’

The NGOs now asked the volunteers to come without telephones and cameras, because the presence of all of these directors and videographers committed to documenting the Tempelhof camp was generating tension between the police and the refugees. ***

Tom and Anna, millennials had moved to East Berlin, straight from university in Italy whilst it was still cheap, they were able to carrying on doing what they did for pleasure as a job. They worked as freelance web designers with a thriving cultural life amongst the other people drawn to Berlin. They told themselves they weren’t like the people they had gone to school with, no, they had changed countries and moved on with their relationships. They lived amongst people similar to them:

They lived in a world where everyone accepted a line of coke but where no one was a doctor or a baker or a taxi driver or a nursery school teacher. They wandered between apartments filled with plants and cafés with excellent wifi. In the long run they couldn’t avoid convincing themselves that nothing else existed.***

In this book read for the Roman de Rochefort, Tom and Anna persuade themselves that everything is fine, that they have chosen their lifestyle and that it can go on for ever, but of course all of the twenty somethings around them are slowly getting old too and reassessing their situations:

But their network was crumbling apart. Little by little their circle of friends was shrinking. The artists were looking to retrain, looking for work-study experiences to become interaction designers, user experience architects, SEO ninjas. Some, the luckiest ones, were able to get university jobs and were moving to Bochum, Wuppertal or Lindau.***

They are in Berlin during the refugee crisis and of course, like their friends want to show support, so they volunteer to help at the refugee camp, and like their friends have little to offer but continue their everyday life, taking pictures, writing articles on Insta’ and chasing “likes” until the NGO’s have to act as illustrated in the opening quote.

Finding your way during your twenties is no easy task, what will your next move be?

An interesting subject matter, modern day coming of age.

First published in Italian by Bompiani in 2022 as ‘Le Perfezioni’
Translated into French by Romane Lafore and published by Scribes as “Les Perfections” in 2023

*** my translation

The quotes as read in French before translation

Les ONG demandaient maintenant aux volontaires de venir sans téléphone ni caméra, parce que la présence de tous ces réalisateurs et vidéastes s’efforçant de documenter le camp de Tempelhof avait généré des tensions entre la police et les réfugiés.

Ils habitaient un monde où tous acceptaient un rail de coke mais où personne n’était ni médecin ni pâtissier ni chauffeur de taxi ni instituteur en maternelle. Ils transitaient exclusivement entre des appartements remplis de plantes et des cafés à l’excellent wi-fi. À la longue, il était inévitable de se convaincre que rien d’autre n’existait.

Mais leur réseau se désagrégeait. Petit à petit, leur cercle d’amis rétrécissait. Les artistes décidaient de se reconvertir, cherchaient des stages en alternance pour devenir interaction designer, user experience architect, SEO ninja. Certains, plus chanceux, obtenaient un poste à l’université et déménageaient à Bochum, à Wüppertal, à Lindau.

À une époque, ce qu’ils recherchaient avait dû sans doute encore exister, une époque où il suffisait de prendre un train ou un bateau pour voir se déployer un monde complètement autre, authentique et spacieux, un monde d’honnêtes vins en carafe et de silencieux refuges au bord de la mer ; mais, se rendirent-ils compte, ce temps était passé, et par manque d’intuition ou retard générationnel, ils allaient être obligés de le payer cher. Ils ne pouvaient pas se le permettre.

Tout était différent, et c’était ce qu’ils voulaient ; et pourtant, d’une certaine façon, tout était identique. Ça aussi, ils le voulaient, mais ils en ressortaient insatisfaits. À Lisbonne, Anna et Tom s’ennuyaient.

Entourés de leurs amis dans l’appartement constellé de bougies, les fenêtres battues par un orage d’automne, leurs bagages déjà prêts et à l’esprit la perspective d’un endroit totalement neuf et émouvant, Anna et Tom éprouvèrent un sentiment d’aventure et de liberté qu’ils n’avaient pas goûté depuis longtemps. Ils prirent beaucoup de photos dans lesquelles la lumière était douce et chaude, les pupilles dilatées, les visages rosis par les premiers frimas ; mais aucun de ces clichés ne parvint à capturer ne serait-ce qu’une bribe de cette sensation et ils craignirent tous deux de la perdre pour toujours dès l’instant où ils partiraient, crainte paradoxale, évidemment, étant donné que c’était précisément parce qu’ils s’en allaient qu’ils l’éprouvaient.

C’était aussi les images qui récoltaient le plus de likes, et celles qui continuaient à en amasser plusieurs mois après publication. Cela disait forcément quelque chose, il s’agissait d’un signe.

Parmi ces personnes toutes identiques, toutes contentes de rester dans leurs bandes de copains du lycée, Anna et Tom se sentaient privés de la liberté d’être eux-mêmes, c’est-à-dire de s’inventer, c’est-à-dire d’être différents d’eux-mêmes.

Cette précarité diffuse prenait la forme d’un constant enthousiasme nerveux. Chaque week-end, chaque hiver risquait d’être le dernier pour quelqu’un alors qu’il était le premier pour quelqu’un d’autre. C’était stimulant, une sensation qui incitait à la curiosité et à l’aventure et allait de pair avec la perception de Berlin comme d’une ville qui ne s’épuisait jamais. Et pourtant, leur monde était moins vaste que quand ils étaient étudiants.

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